Anas Lagtiy-Chaoudar dans les pas de Mehdi Baala
- solenebraun
- 16 juin
- 4 min de lecture
Au plus tard depuis le meeting Ligue de Diamant de Rome, vendredi dernier, le parallèle s’impose. En battant le record de France espoir de Mehdi Baala sur 1 500 m, Anas Lagtiy-Chaoudar a pris date pour un avenir possiblement aussi florissant que la carrière de son illustre prédécesseur à l’ASPTT Strasbourg.

Samedi 8 juin 2024, meeting national de Strasbourg. Améliorant son record de deux secondes (3’36”62), Anas Lagtiy-Chaoudar, 20 ans seulement, aligne tous les spécialistes français et étrangers, alléchés par la rapidité de la piste strasbourgeoise, dans une dernière ligne droite de folie.
Inévitablement, les esprits vagabondent, 25 ans plus tôt, lorsque Mehdi Baala a signé ses premiers exploits, dans les mêmes circonstances. La comparaison était encore osée. Aujourd’hui, elle relève de l’inévitable.
Les JO 2028 plus que jamais dans le viseur
Vendredi dernier à Rome, en 3’31”58, Anas Lagtiy-Chaoudar a couru, à 21 ans, 47 centièmes plus vite que Mehdi Baala, à 22 ans. Le désormais chef de file du clan si fourni bichonné par Jean-Marc Ducret a surtout réalisé les minima pour les championnats du monde, du 13 au 21 septembre à Tokyo.
Il y a un an, l’athlète du S2A avait avoué sans détour n’avoir qu’une chose en tête, les JO 2028, à Los Angeles. Le voilà largement en avance sur les temps de passage. Sans que cela ne l’effraye.
Sa course de Rome, la première en Ligue de Diamant, il la détaille sans la moindre excitation. « J’étais en milieu de peloton mais ça passait de partout. J’ai préféré reculer pour ne pas me prendre dans les jambes des autres. En 2’23” aux 1 000 m, je me dis, “là, faut vraiment que tu y ailles”. J’accélère, mais les mecs aussi. À 100 m, je lâche tout ce que j’ai. »
Comme lors de sa victoire à Nice, une semaine plus tôt, le finish d’Anas Lagtiy-Chaoudar fait le reste. « En passant la ligne, je n’étais pas sûr à 100 %, était-ce 31 ? 32 ? On a forcément un doute. » Le chrono s’est bien arrêté sous 3’32, donc sous 3’32”09, les fameux minima, pour un gain de cinq secondes en deux courses !
« Un talent fou qu’il fallait vite naturaliser »
La France de l’athlétisme apprend donc à connaître celui dont le nom est encore maltraité par les commentateurs. Celui dont Jean-Marc Ducret était rapidement persuadé de tenir une pépite.
« Un talent fou ! C’est pourquoi, très tôt, j’avais prévenu Mehdi qu’il fallait vite le naturaliser, sans quoi il partirait. » Car oui, clin d’œil du destin, son avenir en bleu est aussi intimement lié à Mehdi Baala qui, en tant que directeur des équipes de France, a pesé pour que le dossier aboutisse.
« Il a cru en moi, il me suit, me soutient », témoigne le demi-fondeur qui a pu échanger avec lui en janvier au Portugal, lors de son premier stage national, au contact notamment d’Azeddine Habz… vainqueur à Rome, où il a partagé son bonheur. « Il m’a pris comme son p’tit frère, quelqu’un appelé à prendre la relève. »
Tout s’accélère pour l’athlète au triple passeport. Né en Espagne, de parents marocains, il a partagé sa jeunesse entre les deux pays, avant un passage peu concluant par Carcassonne puis son arrivée à Strasbourg en 2019 pour rejoindre Jean-Marc Ducret. Une riche idée.
« Ma progression ? Mon finish aujourd’hui ? C’est Jean-Marc ! Quelqu’un de respectueux, de très simple. Il ne se la raconte pas. Il gère parfaitement. Un coach de haut niveau. »
El Guerrouj, le modèle
Leur complicité saute aux yeux. Elle perdure même lorsque, un mois par an, l’athlète part en stage au Maroc, pour profiter de l’altitude d’Ifrane. Là où s’est façonnée la légende Hicham El Guerrouj, le modèle d’Anas Lagtiy-Chaoudar, pas encore de ce monde lors de ses exploits, pourtant. « Quand tu vois ses courses, sa foulée, la classe ! »
Il en retient deux tout particulièrement. « Celle de son record du monde ( 3’26”00 en 1998 )... à Rome, et celle des Mondiaux 2003. » À Paris, avec comme dauphin, on y revient toujours, Mehdi Baala.
Le futur étudiant en Staps coule des jours heureux à Strasbourg, avec son petit frère, sa maman et son papa, à qui il doit beaucoup aussi. « Sans lui, j’aurais peut-être lâché. Il m’a mis au sport et m’a aidé pour que j’y reste. Pendant le covid, il partait avec moi, il me tirait en voiture, en mode lièvre. »
Un jour peut-être, la France lui dira merci. Tout comme elle louera Anas Lagtiy-Chaoudar pour sa patience et sa fidélité en son pays d’adoption. Encore junior, il a refusé deux sélections sous les couleurs espagnoles. « Et je n’en connais pas beaucoup qui cracheraient sur une sélection », conclut Jean-Marc Ducret.
L’histoire est trop belle pour ne faire que commencer.
La sagesse de Jean-Marc Ducret
Il est probable qu’Anas Lagtiy-Chaoudar connaisse sa première sélection sous le maillot de la France à l’occasion des championnats d’Europe par équipes, du 27 au 29 juin à Madrid. La liste doit être dévoilée mardi. Si tel est le cas, il renoncera, vendredi prochain, au meeting Ligue de Diamant, à Paris.
« La perf, on l’a, justifie Jean-Marc Ducret. Peut-être qu’il peut faire mieux, mais il est jeune, je ne vais pas l’essorer à courir après les chronos. »
Et si d’autres Français vont plus vite, au point de le priver des Mondiaux ? « Ce ne serait pas grave. Les championnats du monde n’étaient pas prévus à l’origine. On vise les championnats d’Europe par équipes et les championnats d’Europe espoirs (du 17 au 20 juillet en Norvège). Et l’objectif, c’est deux victoires. Ce qu’on retient, ce sont les médailles. De plus, il apprendra dans des courses tactiques. »







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